Dès
que l'identification au corps est
abandonnée, la conscience est Parabrahman ;
vous êtes transfiguré, vous devenez le
suprême, l'absolu, celui qui est
au-delà de Brahman. En clair, dès que
cesse l'identification au corps, l'Atman qui
était limité par le corps est
transfiguré en Parabrahman. Tout ce qui est
vu ou ressenti est tangible,
éphémère et
imprégné de souffrance. Cela signifie
que tout ce qui est expérimenté par
les dix sens, le mental et l'intellect, n'est pas
vous ; ce n'est pas réel. Le Soi est le
témoin de tout ce qui est vu par le mental,
l'intellect etc. L'état dans lequel on
ressent : "Je suis le témoin,
l'observateur", est appelé turiya, le
quatrième état. La dualité
existe toujours dans cet état où
l'observateur et la chose observée sont tous
deux présents, ce qui implique donc la
dualité. L'observateur n'est encore qu'une
idée, un concept. Cet état n'est donc
pas celui de la véritable connaissance
puisque la dualité est toujours là.
La connaissance véritable est atteinte dans
l'état d'unité totale, lequel
n'inclut rien qui serait "autre". La
conscience est altérée alors que
Paramatman est non altéré et rien ne
laffecte.
Quand le Paramatman pur se transforme en un "je"
particulier imprégné d'ego et que
l'on échoue à comprendre que le monde
matériel dans sa totalité, est
illusoire, alors l'ego persiste, et l'on reprendra
naissance. L'ego est responsable de votre
naissance, c'est lui, le "je", qui prend naissance.
Vous prenez un corps et le cycle du désir et
de la peur, du "je" et du "mien" recommence. Bien
que le corps soit impur, Rama le Seigneur
réside en lui, car il est omniprésent
; il se trouve donc aussi dans l'impur [c'est
le corps plein de désirs et de peurs que
l'on appelle ici "impur"]. Vous ne trouverez la
paix et n'atteindrez la connaissance qu'une fois
débarrassé du désir et de la
peur. Autrefois, à l'automne de leur vie,
les gens se retiraient de l'activité du
monde profane et s'isolaient dans la forêt
pour trouver la paix. Isolez-vous avant qu'il ne
soit trop tard, avant que la conscience en vous ne
fasse le saut final ! L'aspirant doit toujours
rester centré sur sa recherche, garder en
lui l'étincelle vivante qui suffira à
embraser le feu de la connaissance. La connaissance
: "Je suis Brahman" peut être atteinte, mais
comment ? Méditez sur : "Comment
être Brahman ?" Si vous y
réfléchissez profondément, ce
que vous trouverez sera vous-même, votre Soi.
C'est un exercice qui vous sera grandement
bénéfique. Le fait que vous vous
soyez oublié est l'obstacle que vous devez
surmonter par la réflexion et la
méditation ; la connaissance s'ensuivra
automatiquement.
Maintenant vous êtes transformé, le
changement s'est opéré pour durer car
vous êtes uni à jamais au Soi. Le
mental n'existe que lorsqu'il y a changement,
altération. Sans changement, pas de mental,
ou plutôt, pas de mouvement, ou
séparation, dans le mental. La connaissance
est atteinte lorsque l'on a exploré et
compris l'origine des êtres animés et
inanimés. Elle est atteinte parce qu'en
effet, cette origine réside dans la
connaissance même. La connaissance est
l'origine du monde, c'est une évidence en
soi qui n'a besoin d'aucune preuve
extérieure, mais vous ne pouvez
l'acquérir que lorsque vous vous immergez
totalement dans l'état naturel.
L'état
naturel est le summum
Méditation et pratique viennent ensuite,
Vaine est l'adoration de l'idole et
Le pèlerinage est ce qu'il y a de plus
bas.
Quand
vous atteignez la connaissance, vous transcendez
l'espace. Semblablement, une fois retrouvée
l'origine, à la fois de l'être
animé et de l'être inanimé,
vous dépassez les limites de l'espace, vous
n'êtes plus limité. Vous comprenez
alors la nature de votre Soi, car vous-même
possédez la forme de la connaissance du Soi.
C'est grâce au Soi que vous pouvez
connaître et différencier
l'animé de l'inanimé. "Dieu m'est
redevable, à moi le Soi, de sa nature divine
qui est ma propre expression. La pluie tient aussi
sa propriété intrinsèque de
moi, le Soi." Il est aussi ce qui anime le corps ;
si votre jambe peut se mouvoir, c'est grâce
à lui. Ainsi, le Soi est le tout puissant,
il est Dieu. Celui en qui le Soi demeure, est
investi du pouvoir absolu de qualifier et de
mesurer tout ce qu'il perçoit. Il ne tient
qu'à lui également de
considérer ce qu'il voit comme vrai ou faux.
S'il se concentre sur ce qui est irréel, il
en sera profondément affecté, car le
monde illusoire revêt un masque de
Réalité, mais si au contraire, il se
concentre sur ce qui est vrai, il se focalisera
automatiquement sur le tout-puissant sans
même le savoir et le rencontrera
inévitablement.
Le
tout-puissant demeure à
l'intérieur
Si vous le cherchez ailleurs
Vous vous trompez de chemin
Vous vous égarez, dit Dnyanadeva
Il
demeure dans le cur de chacun, il est en
tous. La vénération des idoles n'est
un réconfort que pour l'ignorant. La plupart
des aspirants s'en remettent à la
méditation mais celui qui est mûr
plonge sans hésitation en lui-même.
Immergé dans son état naturel du "je
suis", il demeure à jamais dans la
félicité ! Le pèlerinage
n'est qu'une consolation pour le pauvre des
pauvres. Vénérer les idoles, c'est
arracher la fleur vivante pour l'offrir à
une image inerte ! Vous vénérez
l'idole du seigneur Satya-Narayana [dieu
créateur] mais vous ne comprenez pas
qu'elle est irréelle, car l'idole est
périssable. Le pèlerin est comme la
rivière qui s'éloigne de sa source et
se perd à jamais. La rivière coule
à flots pour se perdre dans l'océan,
son eau douce devient alors saumâtre et elle
disparaît sans laisser trace. Si comme la
rivière vous vous éloignez de votre
état originel dans la recherche
effrénée de la gratification de vos
désirs, vous serez emporté et
voué à la ruine. Quand vous retournez
à votre origine, la connaissance que vous
atteignez est la véritable connaissance du
Brahman. Pour acquérir cette
dernière, vous devez tout d'abord abandonner
toutes les mauvaises habitudes et les tendances que
vous avez accumulées aux pieds du
maître. Vous les verrez alors
s'étioler pour disparaître. Mais vous
ne voulez pas vous connaître ! Vous
n'essayez jamais de vous voir, vous voulez voir le
monde phénoménal [jagat].
Jagat signifie aussi ce qui est terminé,
passé. Arrêtez de revenir sans cesse
sur le passé. Vous êtes tellement
occupés à regarder le monde et
à revivre le passé que vous en
oubliez totalement le présent.
Concentrez-vous sur le présent, c'est tout
ce qui importe. Tournez le dos au passé et
n'anticipez pas plus le futur . Vous n'avez prise
ni sur le passé ni sur le futur.
Les Pandavas et leurs cousins les Kauravas se
disputaient la couronne. Une profonde
animosité régnait entre eux. À
dessein les Kauravas entraînèrent
leurs cousins dans l'enceinte d'une maison qu'ils
incendièrent. Les Pandavas ne durent leur
salut qu'à l'habileté de l'un des
leurs, Bhimasena, le fils du vent [vayu].
Comme les Pandavas, vous avez été
entraîné dans l'illusion du monde et
vous êtes piégé dans ses
labyrinthes. Hanté par le passé ou
dans la crainte du futur, vous vous retrouvez
prisonnier des filets de l'illusion.
S'échapper étant impossible, vous
êtes condamnés à mourir. Votre
seul recours maintenant c'est le maître, il
est le rédempteur. Ses seuls conseils vous
mettent hors de danger.
La compréhension de Soi-même rend
omniscient et Éternel. Alors seulement, on
connaît la création de l'univers, son
équilibre et sa destruction. Nous comprenons
le tout, car nous sommes la connaissance
même. Nous observons que nous sommes la
manifestation de la connaissance. Quand notre
être profond, notre existence, brille de la
connaissance, notre suffisance vole en
éclats. Le sens aigu de notre importance est
réduit à néant.
Au temple nous tournons autour de la statue de
Shiva [le dieu de la destruction et de la
dissolution] dans l'intention de plaire
à la déité et de nous
élever jusqu'à elle pour parvenir
à l'état de Shiva. Dans le sens des
aiguilles d'une montre, nous faisons tout d'abord
la moitié d'un tour, puis nous revenons sur
nos pas jusqu'à notre position initiale,
puis nous reprenons dans le même sens
jusqu'à ce que l'autre moitié soit
parcourue. Enfin, nous revenons encore à la
position initiale. Ceci est bien entendu
symbolique : parcourir la moitié d'un
cercle dans le sens des aiguilles d'une montre
signifie uvrer dans le but d'atteindre la
connaissance. Mais au final, cette connaissance
aussi doit être éliminée de
manière à ce que l'ego ne puisse pas
resurgir, voilà la signification du parcours
de la deuxième moitié dans le sens
inverse. Le tour complet de Dieu signifie que la
créature mortelle est transfigurée en
Shiva immortel.
Dans la pratique, le maître explique tout,
mais vous devez vous abandonner à lui.
Acceptez et pratiquez ce qu'il vous dit, la
connaissance de Soi s'ensuivra automatiquement.
Cette connaissance possèdera encore
malgré tout des réminiscences d'ego
qu'il conviendra d'éliminer
complètement. Seulement ceci une fois
accomplit, vous êtes transfiguré en
Shiva, l'immortel.
Le soleil ne sait pas quelle heure il est, si c'est
le matin, l'après-midi ou le soir, il ne
sait même pas ce qu'est un jour. C'est nous
qui l'avons décidé, de plus nous
l'avons déterminé en fonction de
notre tête ! Midi est le moment de la
journée où le soleil est juste
au-dessus delle. Mais le soleil n'est pas
limité par le temps, tout comme le Brahman
[l'Absolu immuable et Éternel] n'est
pas limité par l'espace. Le Brahman ne peut
être défini en termes d'espace, il
n'appartient à aucun lieu en particulier, il
est omniprésent. Il est plus petit que la
plus petite des choses et plus grand que la plus
grande ! Il est parfait et se suffit à
lui-même, mais ce que vous êtes
réellement est antérieur à
Brahman et le dépasse infiniment.
"La créature mortelle qui appartient au
monde est une partie de moi, le Soi immortel."
[Bhagavad Gîta] "C'est parce
que je suis, que le mortel existe, il m'est
redevable, à moi, le Soi, de tous ses
pouvoirs." L'impulsion de son pouvoir limité
vient du pouvoir illimité du Soi.
D'où la mangue tient-elle ce goût si
suave si ce n'est du Soi ? Dès que
vous comprenez et expérimentez que vous
êtes le Soi, le sentiment d'être ceci
ou cela s'évanouit totalement. Le Soi est
altéré lorsqu'il revêt la forme
mortelle. Les premiers pas sur le chemin spirituel
débutent par la répétition du
Naam mantra que donne le maître. Au sens
littéral, naam signifie : je
[l'ego] ne suis pas. Le maître nous
donne un mantra tout en nous expliquant : "Je
n'existe pas." De cette source jaillira la
Vérité Ultime.
L'origine des Écritures sacrées des
Védas n'est pas humaine ; elles ont
été directement
révélées par l'Être
suprême, Brahman. On les appelle
Shruti : "Ce qui est entendu." Sarasvati est
la déesse de l'apprentissage du savoir, elle
est la mère des Veda. C'est pour cela qu'on
lui rend grâce avant d'entamer toute
étude spirituelle. Vous devez lui rendre
hommage en la vénérant pour bien
entamer votre étude, car rappelez-vous que
ce qui est bien commencé est
déjà à moitié
accompli ! Vénérez, en vous
transformant vous-même en l'objet de votre
vénération. Y a-t-il meilleure
façon de vénérer la
mère des Védas que d'écouter
et d'entendre la parole du maître ?
Grâce est enfin rendue à Sarasvati, la
déesse de la connaissance, lorsque le
disciple ayant atteint la réalisation de
Soi, commence lui-même à dispenser
cette connaissance. Mais pour cela, il doit d'abord
avoir entendu et mis en pratique l'enseignement du
maître. C'est la seule façon
d'apprendre que le seul et unique embrasse
l'univers entier. Qui est le véritable
dévot de la déesse Sarasvati ?
C'est celui qui est tout ouïe, totalement
absorbé dans l'écoute du sermon. Ce
qui est entendu ne s'enracinera en lui que de cette
façon. Le maître n'est satisfait que
lorsque vous mettez en pratique ce qu'il vous a
enseigné.
Les quatre corps [manifestations] du
maître que le disciple perçoit et
expérimente sont les suivants : Le
premier est le corps physique visible du
maître, le deuxième corps est
l'expérience et les fruits que le disciple
retire de la pratique de la méditation du
mantra. Le troisième est la capacité
à voir par lui-même si les signes de
ce qu'il a acquis, alors que l'enseignement du
maître grandit en lui, coïncident avec
ceux du maître. Le quatrième corps du
maître est la connaissance qu'acquiert enfin
le disciple. Le maître est le seul qui peut
l'aider à traverser et à surmonter
les deux phases de la vie : celle du monde et
celle du chemin spirituel. Votre unique refuge est
aux pieds du maître, il est votre base. Le
mantra et son enseignement sont les
véritables "pieds du maître". Dans le
monde spirituel, seules existent deux
entités : le maître, qui est la
connaissance incarnée et le disciple, qui,
étant aveugle et ignorant, ne peut agir que
sur les indications du maître. Le
maître l'élève jusqu'à
lui en l'aidant à assimiler la connaissance
qu'il dispense. On doit donc écouter la
parole spirituelle, méditer et
réaliser l'unité avec le Soi. Tout
ceci est dit dans le but d'inciter l'être
ignorant à emprunter le chemin du
disciple.
Ne dites pas : "Je suis le corps", mais dites
plutôt : "Je vis dans le corps." Le propos de
cet exposé est d'aider l'ignorant qui pense
: "Je suis le corps", à se libérer.
Bien que vous soyez le Soi, vous persistez à
croire que vous êtes cette petite
créature, d'où l'émergence de
la conscience du corps. C'est pour vous convaincre
que vous n'êtes pas seulement un corps, que
je vous parle et je vous conseille, la connaissance
du Soi m'inspire à vous délivrer ce
message.
Si le Soi n'illumine pas l'intelligence de l'homme,
ce dernier reste dans l'ignorance. D'abord, la
conscience interne prend forme, et c'est ensuite
que l'impulsion de la parole surgit. Cette
conscience interne est la fontaine de la
connaissance. L'impulsion première de la
parole y demeure sous une forme subtile, ensuite
elle surgit du nombril pour se manifester. Un
concept jaillit dans la conscience et l'impulsion
de la parole, issue de l'état latent, assume
maintenant une forme plus définie. Puis elle
progresse vers le cur et sa forme se
précise, mais elle n'est toutefois pas
encore audible. À ce stade on l'appelle
Pashyanti [un son qui se développe en
direction du visible]. Au stade suivant, le
concept se transforme en conviction, et
parallèlement la parole
s'élève jusque dans la gorge et le
son devient audible mais pas encore
articulé. Ce murmure est nommé
Madhyama. C'est l'articulation ténue du
concept. Tandis que la conviction prend forme et se
manifeste, le monde illusoire surgit
simultanément. Maintenant la parole atteint
les lèvres, elle est entièrement
formée et son expression parfaitement
audible. À ce stade, elle est Vaikhari.
Le véritable dévot est celui qui
s'immerge totalement en Dieu, la séparation
entre le "je" et le "vous" est illusion. Si vous
rencontrez le guide qui vous dévoile la
nature éphémère et futile du
désir pour les choses du monde, vous
réaliserez que l'existence mondaine est sans
valeur. Vous serez alors détaché.
Qu'est-ce que le détachement ? C'est le
sentiment que tout, du plus insignifiant comme une
brindille d'herbe par exemple, jusqu'au
créateur lui-même, le seigneur Brahma,
est irréel.
Vénérez le Soi comme la femme
dévouée vénère son
mari. Ne vénérez rien ni personne
d'autre ou cela vous conduira à
l'infidélité et votre
vénération sera feinte. Le septique
se demande toujours comment le divin Brahman
pourrait-il être identique à
l'individu limité et mortel. L'ignorant en
proie à ces doutes finit par conclure qu'il
est impossible que le Brahman s'avilisse en
devenant une créature mortelle. Pour
corriger cette notion erronée, vous devez
écouter attentivement la parole spirituelle
et y réfléchir profondément.
Votre intérêt pour la parole du
maître doit être si intense que cela en
devient une obsession et votre pratique doit
également être soutenue. C'est alors
seulement que l'expérience suivra. Le
maître opère un changement radical,
une transformation incroyable de notre condition
misérable de mortel [jiva] en Shiva
immortel. Il nous élève à un
état supérieur. Comme vous avez
oublié votre véritable nature, vous
êtes affligé d'une maladie : la
maladie de l'existence mondaine.
Il y existe deux obstacles majeurs à votre
progrès spirituel : le premier est la notion
d'impossibilité : "Je ne peux pas
être le tout puissant, c'est impossible, il
est impensable que je puisse être le
Soi !" Le deuxième, est l'idée
bien ancrée de croire que l'on est le
corps : "Comment est-ce possible que tout d'un
coup je ne sois plus le corps ?"
Pour vous aider à atteindre l'océan
de félicité et à vous immerger
en lui, le maître a élaboré une
méthode en trois phases :
Pramata [l'aspirant, le sujet
connaissant] : celui qui cherche une
preuve.
Prameya [l'objet de connaissance, la
théorie] : l'hypothèse : "Je
suis Parabrahman" qui doit être
prouvée par la réalisation de
Soi.
Pramana [la preuve] : Vous
devez ici vous défaire des deux phases
précédentes qui, à ce stade
sont devenues illusoires. La seule méthode
à suivre pour obtenir une preuve consiste
à écouter la parole spirituelle et
à la méditer profondément
jusqu'à l'obsession. Être
obsédé par sa recherche est le signe
d'un désir intense d'atteindre la
Réalité finale.
Répétez : "Je ne suis pas le corps"
des centaines de fois ! La
répétition d'un acte de nombreuses
fois finit par le rendre naturel car, comme vous le
savez, l'habitude est une seconde nature. Vous
serez alors totalement possédé par le
désir intense de l'expérience
directe ; d'expérimenter le Soi par
vous-même. Quand l'obsession pour le Soi est
telle, l'expérience est certaine de se
produire, vous avez alors accès à la
perception "directe".
Pourtant, vous êtes dévoré par
l'inquiétude et le tourment qui vous
harcèlent sans relâche, et ceci pour
la seule raison que vous vous êtes
identifié au corps. Les cinq
éléments qui constituent le corps ont
aliéné le Soi ; ils doivent donc
être maîtrisés. Laissez le
sentiment : "Je ne suis pas le corps" grandir en
vous. Avant de manger un fruit vous le pelez, c'est
l'intérieur que vous consommez, mais quand
il s'agit du fruit de l'homme vous ignorez
totalement son cur pour ne vous concentrer
que sur l'apparence extérieure, le corps
grossier.
Abandonnez l'orgueil que vous nourrissez pour ce
corps et cherchez qui vous êtes avec
détermination et persévérance
en éliminant au passage tout ce que vous
n'êtes pas. Votre mental et vos désirs
font obstacle à la recherche de votre nature
véritable. Le mental n'est qu'une
accumulation de mémoire des
expériences passées et de
désir, lequel consiste à entretenir
leur souvenir dans l'espoir d'en jouir encore et
toujours. Pour vous libérer du mental vous
devez le réorienter vers le Soi, en
détournant votre attention des
désirs. Quand le but du mental est pur, il
devient pur lui-même. C'est le seul
remède pour se libérer du mental.
Vous n'atteignez le détachement que lorsque
votre attitude est ferme envers les désirs
et que votre attention est réorientée
du désir vers le Soi.
C'est seulement lorsque vous vivez dans la
constante félicité du Soi que
plaisirs et douleurs ne vous affectent plus.
Lorsque l'on dit que le seigneur Rama prend forme
dans la matrice de sa mère Kaushalya [la
dextérité], cela signifie que
Rama, le Soi, s'épanouit en ceux qui
écoutent attentivement les conseils du
maître et les appliquent avec justesse et
dextérité à la
réalisation de Soi.
Alors que les objets excitent les sens, l'Atman
[le Soi] pressent que le plaisir est dans
leur sillage. S'étant oublié
lui-même, il est stimulé dans leur
poursuite par le désir de les
posséder. Le Soi, qui par nature est pur, se
cristallise en concepts et convictions qui le
rendent impur, il prend alors forme mentale. Ces
désirs ne sont que concepts conçus
par le Soi via le mental. Ainsi le mental et les
pensées qu'il produit ne sont que le Soi.
Ayant produit ces pensées, le Soi se lance
à leur poursuite.
Le Soi est appelé pur avant que les concepts
ne surgissent, mais dès qu'un concept
jaillit, on l'appelle "mental". Puisque les "dix
sens" sont à l'origine de cette
déviation du Soi, ils doivent être
vaincus, et pour cela vous devez être le
seigneur Rama, le vainqueur de Ravana, le monstre
à dix têtes [les dix sens].
[Dans l'épopée du Ramayana, le
démon à dix têtes Ravana ne
peut être vaincu par les armes, car si l'une
de ses têtes est coupée elle repousse
aussitôt. Seule la compréhension que
le démon n'existe pas peut le vaincre.]
Le Seigneur Rama est omniprésent, il
embrasse l'univers entier, il est le tout-puissant,
l'origine même de tous les pouvoirs. Il
prédomine parmi les dieux, il est Atmaram,
celui qui se réjouit en lui-même, le
Soi. De lui s'élève le pouvoir
imaginatif qui prend spontanément la forme
de concepts qui, à leur tour, vont le
distraire et le divertir. Son attention est alors
captivée par ces concepts et
détournée de lui-même.
Aussitôt son attention divertie, les concepts
se précipitent, et d'Atmaram il devient
l'Atman, altéré, absorbé dans
le processus conceptuel. Ces concepts
prolifèrent et enveloppent le Soi pour finir
par le recouvrir ; le Soi est alors défini
comme "mental". Les concepts ayant une forme
précise, le monde illusoire est né.
Ainsi, le monde perçu et vécu par
l'ignorant n'est autre que l'extension de
l'imagination projetée par le Soi. C'est une
illusion, un simple vagabondage du Soi, rien de
plus.
Au cours du processus de développement du
mental, le Soi commence à imaginer les sens
et, peu à peu, ces fantasmes se
cristallisent en convictions. Maintenant, seul un
grand bouleversement pourra rétablir le Soi
et permettre de passer au crible du discernement sa
production fantasque. Ce grand bouleversement est
appelé "éveil", ce qui signifie se
rappeler de Soi-même. Ainsi, celui qui
comprend que le monde est illusion est le
conquérant du monde. Il est Dieu, le
tout-puissant, le vainqueur, ou tout autre nom que
vous choisissez de lui donner.
Dans les Purana [textes
mythologiques], le mental est symbolisé
par le personnage de Narada, un grand sage,
dévot de Vishnu. Il provoquait habilement
toutes sortes de situations pour convaincre l'homme
de prendre le chemin de la dévotion, les
aidant ainsi à atteindre la
réalisation de Soi. C'est par un manque
singulier de discernement que le Soi se tourne vers
le royaume des concepts. Des ondes de concepts
s'élèvent alors en Lui et c'est ainsi
que naissent les désirs. Tandis que nous
sommes concentrés sur la gratification de
ces désirs, vague après vague les
concepts surgissent et nous noient dans l'illusion.
Donc le Soi est limpide et paisible lorsqu'il n'est
pas altéré ni obscurci par les
effluves des concepts que l'on appelle mental ;
l'Atman altéré est le mental.
Pourquoi vénérons-nous l'idole ? Elle
ne possède, en fait, rien de particulier,
tout ce qui la constitue n'est qu'apparence
extérieure, l'intérieur est vide. De
la même façon il n'y a rien à
l'intérieur de votre
intériorité, qui en d'autres termes,
est parfaitement paisible. Vous êtes Dieu.
Maintenez-vous en cette paix intérieure, ne
permettez pas qu'elle soit troublée. Une
idole brisée, ou seulement
abîmée, ne peut être
vénérée. Il y a une cassure
dans l'état naturel et la paix profonde est
altérée, vous ne pouvez donc plus
être considéré comme Dieu.
Quand vous vous concentrez sur votre but, qui est
le Soi, et que votre mental est fixé sur le
mantra donné par le maître, vous
êtes transfiguré en Lakshman, le
bien-aimé du seigneur Vishnu, le Soi.
Lakshman est la combinaison de Laksha, le but, et
de manas, le mental. Restez tel que vous êtes
dans votre état naturel, non troublé
par les pensées, c'est l'état de
samadhi. "Abandonne tout devoir et dédie ton
être à moi seul" dit le seigneur
Krishna dans la Bhagavad Gîta
[chap. 18 verset 66]. En abandonnant tout,
c'est à dire les pensées, tu
médites sur moi, reste là, alors, tu
es celui qui fait son véritable devoir.
Maintenant que la connaissance du Soi vous a
été donnée et que les saints
vous assurent de la réalisation, il ne tient
plus qu'à vous de passer à la
pratique. Laquelle est nécessaire pour que
cette connaissance du Soi senracine. Il faut
donc tout d'abord, développer son
intérêt pour le discours spirituel, se
prendre de passion pour l'écoute de la
parole du maître.
Il y a trois étapes à franchir sur le
chemin de la non-dualité du
Brahman :
Je suis le Brahman : l'homme ordinaire
est le Brahman même.
Tout est le Brahman : toute la
création est véritablement le
Brahman.
Il n'y a que le Brahman : le Brahman est en
tout et partout, rien n'existe à part lui.
Lui seul est.
Parallèlement le discernement s'exerce sur
trois phases :
Discerner le Soi de l'illusion
Discerner l'Éternel du temporel
Discerner l'essence première de la
non-essence
Que veut-on dire par "essence
première" ? Il s'agit du Brahman, la
connaissance non altérée par les
concepts, alors que par "non-essence" on entend
l'Atman étroitement associée aux
concepts, cependant, l'Atman lui-même est un
concept, car dire : "Je suis l'Atman" est encore un
concept. Ainsi l'Atman n'est pas réel car il
est lié au corps. C'est seulement en
comprenant que vous n'êtes pas le corps que
vous êtes transfiguré en
l'Éternelle Réalité, la
Vérité Ultime, le Paramatman.
Vous devez être très attentif lorsque
vous écoutez l'enseignement sur le Soi,
attentif au point d'être totalement
captivé, absorbé en lui. Quand vous
vous perdez en lui vous devenez le Brahman.
L'étude des Écritures est vaine si
vous ne reconnaissez pas que vous n'êtes pas
le corps, que vous êtes autre que lui. Votre
pratique consiste à suivre les indications
établies par les saints. Ce que l'on entend
par "rester en compagnie du maître" c'est
d'être dans le souvenir constant de sa
parole, puis de la mettre en pratique.
Ecoutez attentivement la philosophie du Vedanta,
comprenez-la bien et mettez-la en pratique ;
lexpérience ne manquera pas de
sensuivre. Les trois
expériences : l'expérience
décrite par le maître, celle
décrite par les Écritures et enfin
votre propre expérience, doivent
concorder.
Toutes les Écritures s'accordent à
dire que le péché c'est de
s'identifier au corps, de dire : "Je suis le
corps." Elles concourent toutes à
détruire la perception de la dualité.
La dualité fait apparaître uniquement
tout ce qui n'est pas le Soi. Et ce qui est autre
que le Soi n'est qu'un tourment sans fin, un
cortège de misères et de souffrances.
La connaissance de Soi a été
négligée depuis si longtemps qu'elle
a été oubliée. Cette
connaissance doit être recherchée,
puis une fois acquise, il faut l'établir
fermement en soi et la consolider par une constante
réflexion. Toute tendance négative
doit être débusquée,
analysée et rejetée tandis que les
qualités positives seront cultivées.
L'attention au discours spirituel, la contemplation
profonde et soutenue des préceptes qui en
découlent et la détermination
à suivre les conseils du maître,
conduiront à la perception directe, à
l'expérience divine. Cela qui ne peut
être perçu doit devenir notre but,
notre méditation. C'est cela la
concentration, dhyana. Acceptez : "Je suis sans
attribut et sans forme",
réfléchissez-y constamment,
retournez-le dans tous les sens jusqu'à ce
que cela devienne une conviction [dharana].
Immergez-vous en elle, c'est cela le
véritable sens de la méditation.
C'est à cette condition seulement que l'on
réalise ce qui est au-delà du royaume
des mots. Le mental et l'intellect sont des
obstacles à la réalisation de Soi. Le
Soi demeure au-delà mais tout près du
domaine mental.
Aux pieds
d'Atmaram se trouvent tous les lieux
sacrés
Il est éternellement présent dans le
battement de ton cur
Mais hélas ! Si tu le cherches et le
pries ailleurs
Tu te perdras en chemin, dit Dnyanadeva
Atmaram,
le seigneur de la connaissance réside dans
votre cur. Ceux qui vont de pèlerinage
en pèlerinage ne le connaissent pas, ils
sont maudits par ces lieux saints mêmes
qu'ils hantent. En clair, ils n'atteindront jamais
l'illumination. La seule Vérité dans
ce monde, c'est la Réalité Finale.
Vous ne dites la Vérité que lorsque
vous parlez du Soi, la Vérité
Éternelle. Les Écritures disent que
la Vérité ne consiste pas à
affirmer des faits. Elles disent également
qu'elle réside juste derrière les
limites du mental et de l'intellect.
Quelle que soit la Vérité que vous
croyez énoncer, ce que vous dites est faux
et voué à l'échec parce que
soumis aux cinq éléments, le corps
grossier. Celui-ci est corrompu par les
désirs et ne peut donc être vrai. En
fait, vous ne pourrez atteindre la
Vérité que si vous abandonnez le
corps grossier.
Avoir une forte aspiration pour la
Vérité est certainement
bénéfique, il s'agit du premier pas
vers la réalisation de Soi. La puissance de
la concordance des trois données que sont
l'être humain, l'aspiration propice et
l'enseignement d'un véritable maître,
manifeste un phénomène que l'on
appelle le seigneur des trois mondes. Vous
atteignez le royaume divin par la simple
obéissance aux préceptes du
maître, ou plutôt, en vous immergeant
dans sa parole et en laissant de coté tous
les plaisirs des sens.
Les Écritures précisent que pour
s'unir au Soi, il faut éliminer la
conscience altérée, c'est à
dire la conscience individuelle [chitta].
Le mot "éliminer" a été mal
compris, car on le prend généralement
dans le sens d'une opposition à la
conscience individuelle [virodha].
L'opposition ayant remplacé
l'élimination explique pourquoi
l'élimination de la conscience individuelle
[nirodha] a été placée
dans un contexte de lutte. Ce contexte a
mené à la création des
pratiques d'austérité [le
jeûne par exemple] et des pratiques
physiques telles que les exercices de respiration
ou la rétention des sens, lesquelles ont
pour résultat de faire perdre de vue le but,
l'unification au Soi. Pour le réaliser on
doit tout d'abord comprendre ce qu'est le mental.
C'est à cause de l'ignorance que les
concepts s'élèvent dans l'Atman,
faisant de lui le mental. Les concepts se
déploient sur l'Atman, à la
façon dont les vagues se déroulent
à la surface de l'océan. Celui qui se
perd dans l'observation des vagues est
piégé dans sa propre contemplation et
oublie l'océan. Les concepts
s'élèvent parce que l'on
échoue à discerner le mental de
l'Atman, lequel devient alors comme invisible. Le
mental est, en fait, une partie de l'Atman. Votre
attention est constamment rivée sur les
concepts et donc sur le mental mais si vous vous
concentrez sur l'Atman, vous vous immergez en
lui.
Maintenant, voyons ce que signifie
l'élimination du mental. Dès que vous
commencez à vous concentrer sur l'Atman,
vous vous immergez en lui, les concepts
n'apparaissent plus et ils sont
étouffés ; cest de cette
façon que lon élimine le
mental. Quand il disparaît, vous êtes
uni au Soi. Le but est atteint. En fait c'est
l'harmonie avec le Brahman qui doit être
réalisée et cela, par
l'élimination de toutes les
pensées.
On ne doit pas s'opposer activement aux
pensées. Par l'opposition [virodha],
on ne fait que renforcer notre concentration sur
elles, et dès qu'il y a une faille dans
notre opposition, elles resurgissent avec une
vigueur décuplée. Ainsi, soyez celui
qui regarde passivement et concentrez-vous sur le
Soi ; les pensées mourront alors petit
à petit. Vous êtes serein
désormais sans irruption de concepts en
vous. C'est cela l'élimination, nirodha. Les
concepts ne décroissent pour
disparaître complètement que quand la
relation du mental [qui est un subalterne]
avec l'Atman est comprise.
Le mental a
leurré plus d'un être formidable
Mais il est un serviteur pour le maître qui a
atteint la Réalité.
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