Que
règne la paix et l'amour parmi tous les êtres
de l'univers. OM Shanti, Shanti,
Shanti.
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NTRODUCTION
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Hariwansh Lal
Poonja est né en 1913 près de
Lyalpur, un petit village du Punjab qui se trouvait
en Inde avant de faire partie du nouvel État
du Pakistan créé en 1947. Son
père, qui était chef de gare du
réseau ferroviaire gouvernemental,
était fréquemment muté et, en
conséquence, la famille devait
régulièrement déménager
pour de nouvelles villes.
En 1919, le gouvernement colonial anglais instaura
des journées de congé exceptionnelles
en commémoration de la victoire lors de la
Première Guerre mondiale. La famille Poonja
partit alors en excursion pour Lahore, la plus
grande ville de la région, et ce fut
là que Hariwansh vécut sa
première expérience importante
d'éveil spirituel. Alors que l'on servait
à tous les membres de la famille une boisson
à base de mangue et de yaourt, Hariwansh n'y
prêta aucune attention et ne fut pas en
mesure d'y goûter tellement il était
paralysé par une expérience directe
du Soi. Il lui fut impossible de boire, de parler
ou de se mouvoir de quelque façon que ce
soit, et il demeura absorbé dans cet
état pendant trois jours. Des années
plus tard, il tenta de décrire ce qu'il
avait vécu en parlant d'une
expérience de bonheur et de beauté
absolument parfaits, mais à cette
époque aucun contexte ne lui avait permis
d'évaluer ce qui lui était
arrivé. Une fois son contact direct avec le
bonheur du Soi établi, il passa le plus
clair des années qui suivirent à
tenter de revivre cette expérience, ou
à être occasionnellement à
nouveau replongé en elle de façon
spontanée.
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Sa
mère, une ardente disciple de Krishna,
l'avait convaincu que consacrer sa dévotion
à ce dieu lui ferait revivre cet état
de bonheur. Hariwansh suivit donc son conseil et se
mit à focaliser son attention sur une image
de Krishna avec une telle intensité que
Krishna lui apparut sous une forme physique
suffisamment solide pour être touchée.
Aucun autre membre de la famille ne voyait Krishna,
cependant tous pouvaient observer Hariwansh en
contact avec son nouvel ami "invisible". Hariwansh
s'attacha tellement à la forme de Krishna
que, pendant de très nombreuses
années, son principal désir en
matière de spiritualité fut de voir
Krishna apparaître devant lui afin de pouvoir
jouir de la félicité qui
résultait de sa présence.
Vers l'âge de treize ans, il tomba amoureux
d'une représentation du Bouddha dans l'un de
ses livres d'école. L'image, une
célèbre statue aujourd'hui
exposée dans l'un des musées de
Lahore, représentait le Bouddha en tant
qu'ascète émacié. Hariwansh se
sentit poussé à imiter la
reproduction aperçue dans le livre ;
ainsi, pendant les mois qui suivirent, il se priva
volontairement de nourriture pour ressembler au
Bouddha amaigri par l'ascèse. Il se fabriqua
également une robe bouddhique à
partir de l'un des saris de sa mère, puis
s'en alla mendier sa nourriture et faire des
discours au sujet du Bouddha sur la place de la
ville. Ses imitations adolescentes du Bouddha
connurent leur fin quand sa mère, qui n'en
avait rien su au début, découvrit
qu'il avait transformé l'un de ses saris en
robe de moine.
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Vers
la fin des années vingt, une partie de la
maison de Lyalpur occupée par la famille de
Hariwansh fut louée à Sukdev, un
militant pour la liberté qui appartenait
à une organisation dont le but était
d'expulser les anglais de l'Inde par la force.
Sukdev et son ami, Bhagat Singh, avaient tous deux
finis par être pendus par les Anglais pour
meurtres et tentatives d'assassinat sur des
officiels du gouvernement colonial. Hariwansh
n'était pas disposé à se
consacrer à la voie de non-violence
préconisée par Gandhi ; il
préféra devenir membre de
l'organisation de Sukdev, car il était
entièrement convaincu que la violence contre
les Britanniques était de la légitime
défense puisqu'ils occupaient son pays. Il
avait promis à sa famille qu'il ne prendrait
aucunement part à quelque activité
violente que ce soit, car cela aurait conduit
à des représailles contre certains de
ses proches ; cependant, il était un
orateur des plus actifs et prononçait des
discours enflammés pour tenter de persuader
les gens d'expulser les Britanniques de l'Inde par
la force. Après les pendaisons de Sukdev et
de Bhagat Singh, Hariwansh fit quand même
partie de ce qui était sensé
être une mission de représailles
une tentative pour faire exploser le train
du vice-roi. Cette mission échoua et le
mouvement militant du Punjab s'en alla dès
lors à vau-l'eau, car ses membres avaient
été pour la plupart, soit
jetés en prison, soit exécutés
par les Britanniques.
Hariwansh était le plus âgé des
enfants de sa famille. Il fut marié à
l'âge de seize ans, lors d'une
cérémonie traditionnelle
"arrangée" et comme son père n'avait
pas les moyens de lui payer des études
universitaires, il débuta sa carrière
professionnelle comme vendeur. Son travail, qui au
début consistait à vendre de
l'équipement sportif et des instruments de
chirurgie, le mena à Bombay, où il
passa la majeure partie des années trente.
Il gagnait suffisamment pour nourrir sa femme, ses
jeunes enfants et les autres membres de sa famille
demeurés à Lyalpur.
Au début des années quarante,
après le déclenchement de la Seconde
Guerre mondiale, Hariwansh posa sa candidature pour
devenir officier de l'armée britannique en
guerre. Son sentiment était que le mouvement
des militants pour la libération des
années vingt et trente avait
été voué à
l'échec car ses membres avaient
manqué de la préparation militaire
adéquate et n'avaient pas eu accès
à des réserves d'armes et de
munitions conséquentes. En demandant
à s'enrôler, il pensait pouvoir
obtenir un bon entraînement militaire, qu'il
pourrait ensuite utiliser à bon escient
contre les Britanniques à nouveau.
Cependant, peu après le début de son
entraînement, il réalisa que ce projet
manquait de réalisme.
Pendant toutes ses années de militantisme
indépendantiste et en tant que père
de famille travaillant à Bombay, jamais
Hariwansh n'abandonna son amour pour Krishna ni son
désir d'en avoir régulièrement
des visions. Alors qu'il était à
l'armée, il passait ses nuits
déguisé en sari, portant bijoux et
maquillage, et dansant devant une image de Krishna
dans l'espoir de le faire apparaître devant
lui. Il était convaincu que Krishna se
manifesterait plus volontiers à une
femme.
En fin de compte, lorsque le service militaire
s'avéra ne plus lui convenir, il
démissionna afin de se mettre en quête
d'un Guru qui lui permettrait d'avoir la vision de
Krishna en permanence. Sa quête le mena aux
quatre coins de l'Inde et lui fit rencontrer
certains des maîtres spirituels les plus
renommés de l'époque ;
cependant, aucun ne fut en mesure de
répondre à la question qu'il posait
invariablement en guise d'introduction : "Avez-vous
vu Dieu, et, si oui, pourriez-vous me Le montrer
?"
Peu de temps après son retour à la
maison, un sadhu moine mendiant hindou
se présenta à sa porte
à Lyalpur pour faire l'aumône.
Hariwansh lui posa encore la même question :
"Pourriez-vous me montrer Dieu, et, si ce n'est pas
le cas, connaissez-vous quelqu'un qui puisse le
faire ?"
Le sadhu lui répondit ainsi : "Oui, je
connais un homme qui peut te montrer Dieu. Si tu te
rends auprès de lui, tout ira au mieux pour
toi. Son nom est Ramana Maharshi."
Hariwansh se renseigna auprès du sadhu pour
découvrir que Ramana Maharshi vivait
à Tiruvannamalai, au sud de l'Inde. Comme il
avait épuisé toutes ses ressources en
voyages infructueux pour trouver un Guru, il
finança son déplacement en acceptant
un travail dans une entreprise basée
à Madras, une ville située à
quelques heures de train de
Tiruvannamalai.
Quand,
en 1944, il arriva à l'ashram de Ramana
Maharshi, il fut très déçu de
découvrir que Ramana Maharshi était
cet homme qui lui était apparu en tant que
sadhu à Lyalpur. Comme il se sentait
abusé, il décida de quitter l'ashram,
mais un résident lui apprit que depuis son
arrivée cinquante ans auparavant, Ramana
n'avait jamais quitté Tiruvannamalai.
Intrigué, il décida alors de
rester.
La
première fois qu'il s'adressa à Sri
Ramana, il lui demanda : "Êtes-vous l'homme
qui s'est présenté chez moi au Punjab
?" Mais Sri Ramana resta silencieux.
Il lui
posa ensuite sa question habituelle : "Avez-vous vu
Dieu, et, si oui, pourriez-vous me permettre de Le
voir ?"
Sri
Ramana répondit : "Je ne peux pas vous
montrer Dieu parce que Dieu n'est pas un objet que
l'on peut voir. Dieu est le sujet. Il est celui qui
voit. Ne vous attardez sur aucun objet qui peut
être vu. Découvrez qui est celui qui
voit." Il ajouta également : "Vous seul
êtes Dieu."
Comme
Hariwansh espérait toujours ardemment avoir
ses visions de Krishna, il n'était pas
disposé à suivre ce conseil ;
cependant, il demeura en la présence de Sri
Ramana suffisamment longtemps pour vivre une
expérience de grande importance. Voici
comment il l'a décrite dans Nothing Ever
Happened :
[N.d.T.
Nothing Ever Happened : "Il ne s'est jamais
rien passé". Biographie en trois volumes
établie par David Godman du vivant de H.W.L.
Poonja, publiée en 1998 par l'Avadhuta
Foundation, Boulder, CO, États-Unis]
"Ses paroles ne me firent aucune impression. Elles
me semblaient n'être qu'une excuse de plus
que je pouvais ajouter à la longue liste de
celles que j'avais reçues de swamis dans
tout le pays. Il m'avait promis de me montrer Dieu
[lorsqu'il était venu dans ma maison au
Punjab] ; pourtant, il cherchait
maintenant à me convaincre qu'il lui
était non seulement impossible de me montrer
Dieu, mais que personne d'autre ne pouvait le voir
non plus. Je l'aurais rejeté, sans autre
procès, lui et ses paroles, s'il n'y avait
eu cette expérience que je vécus
immédiatement après qu'il m'eut dit
de découvrir qui était ce "je" et qui
était celui qui désirait voir Dieu.
Une fois qu'il eut fini de parler, il me regarda,
et alors qu'il plongeait son regard dans mes yeux,
mon corps tout entier fut pris de secousses et
commença à trembler. Une forte
sensation d'énergie nerveuse me traversa le
corps. Mes terminaisons nerveuses me donnaient
l'impression de danser et mes cheveux se
dressèrent sur ma tête. À
l'intérieur, je pris conscience du Cur
spirituel. Il ne s'agit pas du cur physique.
C'est plutôt la source et le support de tout
ce qui existe. Au sein du Cur
j'aperçus ce qui ressemblait à un
bouton de fleur refermé. Il était
très scintillant et bleuté. Alors que
le Maharshi me regardait et que j'étais
moi-même dans un état de silence
intérieur, je sentis ce bouton s'ouvrir et
s'épanouir. J'utilise le terme "bouton",
mais ce n'est pas une description exacte. Il serait
plus juste d'en parler comme de quelque chose
ressemblant à un bouton en train de s'ouvrir
et de fleurir en moi dans le Cur. Et quand je
dis "cur", je ne fais pas
référence à un
épanouissement situé dans un endroit
spécifique du corps. Ce Cur, ce
Cur de mon Cur, n'était
situé ni dans le corps ni au dehors. Je ne
puis donner de description plus exacte de ce qui
s'est passé. Tout ce que je peux dire, c'est
qu'en la présence du Maharshi, sous son
regard, le Cur s'est ouvert et s'est
épanoui. Ce fut une expérience
extraordinaire que jamais je n'avais vécue
auparavant. Je n'étais pas venu en
quête d'une expérience
particulière, et j'ai été
totalement surpris par ce qui s'est
passé."
Malgré cette expérience positive,
Hariwansh décida que l'enseignement de Sri
Ramana, qui semblait déprécier les
visions de Dieu, n'était pas pour lui. Il se
rendit de l'autre côté d'Arunachala
la montagne sacrée où Ramana
vécut toute sa vie d'adulte et
poursuivit ses méditations sur Krishna ;
lequel lui apparut à plusieurs
reprises.
Avant
de s'en retourner à Madras, il fit
étape à Ramanasramam pour voir Sri
Ramana une fois de plus. Hariwansh informa Sri
Ramana qu'il avait eu des visions de Krishna, mais
à nouveau Sri Ramana sembla en minimiser
l'importance.
Une
fois vérifié que les visions venaient
puis s'en allaient, Sri Ramana commenta : "Quelle
est l'utilité d'un Dieu qui apparaît
puis disparaît ? S'Il était un Dieu
véritable, Il devrait demeurer avec vous en
permanence."
Hariwansh
retourna à Madras pour entamer sa nouvelle
carrière. Il intensifia son chant du nom de
Krishna en le faisant concorder avec sa
respiration, jusqu'à ce qu'il atteigne
cinquante mille récitations par jour du
mantra de Krishna. Puis, de façon
plutôt surprenante, les divinités Ram,
Sita et Lakshman lui apparurent dans sa maison de
Madras et restèrent avec lui presque toute
la nuit. Après leur disparition, il se
retrouva dans l'impossibilité de psalmodier
quoi que ce soit. Son esprit refusait tout
simplement de s'engager dans la
répétition du nom divin. Ce nouveau
développement dans ses pratiques l'ayant
rendu perplexe, il décida de retourner
à Ramanasramam pour expliquer la
difficulté de sa situation à Sri
Ramana.
Une
fois les détails de ce qui lui était
arrivé exposés à Sri Ramana,
celui-ci lui répondit en comparant ses
pratiques à un train qui l'avait mené
à destination. Voici comment Hariwansh
décrivit leur entretien dans Nothing Ever
Happened :
" Le train [de Madras à
Tiruvannamalai, dit Sri Ramana], vous a
amené à votre destination. Vous en
êtes descendu car il ne vous était
plus utile. Il vous a amené là
où vous vouliez vous rendre...
C'est ce qui s'est produit avec votre chant. Votre
japa [psalmodier le nom de Dieu], vos
lectures, votre méditation vous ont
amené à votre destination
spirituelle. Ils ne vous sont plus d'aucune
utilité maintenant. Vous n'avez pas
abandonné vos pratiques de vous-même ;
ce sont elles qui vous ont quitté
d'elles-mêmes, puisqu'elles ont rempli leur
mission. Vous êtes à destination.
Ensuite, il me regarda intensément. Je
sentais que mon corps et mon esprit étaient
lavés dans leur totalité par des
vagues de pureté. Ils étaient
purifiés par son regard silencieux. Je
pouvais ressentir son regard en train de voir dans
les profondeurs de mon Cur. Sous ce regard
fixe et envoûtant, je pouvais sentir que
chaque atome de mon corps était
purifié. C'était comme si un nouveau
corps avait été créé
à mon intention. Un processus de
transformation se déroulait le vieux
corps se mourait, atome par atome, et un nouveau
corps se créait à sa place. Et, d'un
seul coup, je compris. Je vis que cet homme qui
s'était adressé à moi
était en réalité ce que
j'étais déjà, ce que j'ai
toujours été. Un accès soudain
de reconnaissance me saisit alors que je pris
conscience du Soi. J'utilise le terme
"reconnaissance" délibérément,
car dès que l'expérience me fut
révélée, je savais, sans
l'ombre d'un doute, qu'il s'agissait du même
état de paix et de bonheur dans lequel
j'avais été plongé à
l'âge de six ans à Lahore quand
j'avais refusé la boisson à la
mangue. Le regard silencieux du Maharshi m'avait
à nouveau établi dans cet état
premier. Le désir de trouver un Dieu au
dehors s'abîma dans la connaissance et
l'expérience directes du Soi qui
m'étaient révélées par
le Maharshi... Je sus alors que ma quête
spirituelle avait pris fin..."
Hariwansh retourna à Madras où il
continua à travailler comme sous-traitant de
l'armée ; cependant, il retournait
à Ramanasramam dès qu'il avait du
temps libre. En l'espace d'un an, environ, il tomba
complètement amoureux de la forme de Sri
Ramana et ne supportait pas d'en être
séparé pendant très
longtemps.
Au milieu de l'année 1947, après que
la frontière entre les nouveaux états
du Pakistan et de l'Inde fut
démarquée, les hindous et les
musulmans vivant de chaque côté de la
limite entamèrent une migration de masse :
les hindous se rendirent du Pakistan en l'Inde et
les musulmans allèrent de l'Inde au
Pakistan. La tension était à son
comble et de nombreuses personnes furent
tuées lors d'altercations. Hariwansh, qui
demeurait alors à Ramanasramam n'avait pas
connaissance de tout ceci, car il ne lisait plus
les journaux et ne s'enquérait pas non plus
des nouvelles. Cependant, l'un des disciples de Sri
Ramana, qui savait qu'une partie de la famille de
Hariwansh demeurait du côté
pakistanais de la frontière, en informa Sri
Ramana. Celui-ci conseilla à Hariwansh de
rentrer à Lyalpur et d'accompagner sa
famille pour la mettre en sécurité du
côté indien.
Hariwansh n'était pas disposé
à partir, car il n'éprouvait plus
aucune affinité avec sa famille, ni ne se
sentait responsable envers elle, mais Sri Ramana le
persuada qu'il était encore de son devoir de
s'occuper d'elle. À contrecur,
Hariwansh quitta Ramanasramam et rapatria
trente-cinq membres de sa famille vers l'Inde dans
le dernier train à quitter le Pakistan. Une
fois que ce train avait passé la
frontière, les rails qui reliaient les deux
pays étaient arrachés.
Les membres de la famille Poonja, qui
n'étaient guère plus que des
réfugiés sans le sou,
s'établirent alors à Lucknow, dans
l'État aujourd'hui appelé Uttar
Pradesh. Hariwansh était obligé de
rester auprès d'eux pour travailler, car la
famille avait très peu de ressources pour
subvenir à ses besoins. La plupart de ceux
qui avaient traversé la frontière
avec Hariwansh étaient des femmes dans
l'impossibilité de trouver du travail. C'est
en raison de ces obligations familiales que
Hariwansh n'eut plus jamais la possibilité
de revoir Sri Ramana.
Au début des années cinquante,
après le décès de Sri Ramana,
Hariwansh retourna à Tiruvannamalai avec
l'intention d'y vivre en tant que sadhou, mais la
destinée avait pour lui d'autres projets.
Après un court séjour dans les
environs de Sri Ramanasramam, il fit un voyage
à Bangalore où on lui proposa un
travail comme administrateur dans une compagnie
minière. Il accepta l'offre principalement
afin de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille
et pendant les quinze années qui suivirent,
jusqu'à sa retraite en 1966, il travailla
dans plusieurs mines du Karnataka et de Goa.
Une fois le travail abandonné, il se mit
à voyager dans toute l'Inde, même si
son endroit préféré semblait
avoir été Haridwar, une ville sainte
sur les rives du Gange au pied de l'Himalaya. Bien
qu'il ne se soit jamais proclamé
maître, où qu'il aille, il attirait
toujours de petits groupes de disciples. La taille
de ces groupes s'agrandit progressivement à
partir du moment où il commença
à passer plus de temps parmi les "chercheurs
spirituels" qui se regroupaient dans les divers
centres qui bordent les rives du Gange à
Rishikesh et à Haridwar.
Entre 1970 et 1990, il voyagea beaucoup, en Inde et
à l'étranger, la plupart de ses
déplacements ayant été
effectués à la demande de disciples
désireux de le rencontrer. Il s'opposa
à toute tentative de création
d'ashram ou de centre, leur préférant
des rencontres avec de petits groupes au sein de
leur propre communauté. À la fin des
années quatre-vingt, alors que sa condition
physique ne lui permettait plus de voyager seul, il
s'établit à Lucknow, d'abord dans la
demeure familiale du centre-ville, et ensuite,
à partir de 1991, dans une maison de la
banlieue d'Indira Nagar. C'est là qu'il
passa les dernières années de sa vie,
donnant des satsang quotidiens et se rendant
occasionnellement pour de brefs séjours sur
les rives du Gange. Il décéda en
septembre 1997.
J'ai, dans cette introduction, fait
référence à lui sous le nom de
"Hariwansh" puisque c'est le premier de ses
prénoms, mais, tout au long de sa vie, il a
été connu sous des noms divers. Sa
mère, par exemple, l'appelait "Ram" à
la maison, et, pendant une courte période,
il fut connu sur les contreforts de l'Himalaya sous
le nom de "Scorpion Baba", en raison de sa
capacité à guérir les morsures
de scorpion. Autour de 1990, on lui donna le nom de
"Papaji", ce qui signifie "Père
respecté", et ce titre honorifique
était utilisé par quasiment tout ceux
qui venaient le voir pendant les dernières
années de sa vie.
Papaji a toujours nié délivrer
quelque "enseignement" que ce soit. Cependant, ce
qu'il possédait était une
capacité surprenante à donner,
à ceux qui s'adressaient à lui, un
aperçu direct du Soi. Dans les pages qui
suivent, on peut voir combien, avec tendresse et
empressement, il amenait ses visiteurs à
regarder au-dedans d'eux-mêmes afin de
prendre conscience de la pure expérience du
Soi que Papaji décrit comme étant
là en permanence, simplement en attente
d'être admis et reconnu. Sa méthode ne
comprenait aucun encouragement à s'en aller
méditer et à pratiquer, avec comme
objectif à long terme une grande
expérience spirituelle ; elle
consistait plutôt à montrer à
ceux qui venaient à lui que la conscience de
Soi était possible ici et maintenant en
regardant à l'endroit, où la
pensée et le sentiment
d'individualité personnelle prennent
naissance.
Les dialogues qui composent cet ouvrage sont
tirés de conversations qui se sont tenues
dans sa maison d'Indira Nagar en 1991 entre Papaji
et ses visiteurs. À cette époque, dix
à quinze personnes venaient le voir chaque
jour. Les cassettes audio d'origine ne sont pas
datées, mais je me suis adressé
à plusieurs personnes qui étaient
présentes et j'ai pu établir que les
satsangs se sont tenus pendant les mois de juillet
et août de cette année. Bien que
certaines voix des enregistrements me fussent
familières, j'ai
préféré ne pas les identifier
dans le livre. Ainsi, toutes les contributions des
visiteurs sont signalées par :
"Question".
Comme les intervenants étaient
principalement des Occidentaux, Papaji utilisait
rarement des termes techniques issus des
Écritures et de la philosophie hindoue.
Cependant, certains apparaissent ici et là,
et, s'il n'ont pas été traduits dans
le texte même entre parenthèses, leur
sens a été donné dans un
glossaire figurant à la fin de
l'ouvrage.
Papaji a toujours certifié qu'une force
était présente dans les paroles des
êtres éveillés, une puissance
qui facilite l'expérience directe
vécue par ceux qui les écoutent. Je
suis convaincu que cette force est toujours
accessible à ceux qui n'auraient jamais
rencontré Papaji en personne, et qui ne
l'ont connu qu'à travers les vidéos
ou les textes. J'ai un jour demandé à
Papaji s'il était d'accord au sujet de
l'existence de disciples "matures" et d'autres
"immatures", dans le sens où certains
étaient prêts à vivre
l'expérience du Soi et que d'autres ne
l'étaient pas. Il me répondit ne
reconnaître que deux catégories : ceux
qui étaient capables d'écouter
correctement, et ceux qui ne le pouvaient pas. Si
vous écoutez ce que dit Papaji correctement,
avec un esprit complètement silencieux et
réceptif, et que vous regardez dans la
direction vers laquelle son "enseignement" vous
dirige, le pouvoir du Soi qui a produit ces mots se
révélera à
vous.
David
Godman, Tiruvannamalai
|
L' ERREUR
PREMIÈRE
QUE
CHACUN
COMMET
EST
DE
RECHERCHER
LE BONHEUR
PAR
DES
TRANSACTIONS
QUI
IMPLIQUENT
LES
SENS
Question
: Les personnes qui souffrent
intensément peuvent-elles guérir
?
Papaji : La souffrance vient de
problèmes anciens, de chocs subis au cours
de leur vie. Les gens se rendent dans toutes sortes
d'endroits pour se débarrasser de ces
problèmes : centres religieux, centres de
yoga, centres thérapeutiques, et ainsi de
suite. C'est ce que j'ai pu observer quand je suis
allé en Occident des personnes qui
courent de centre en centre pour en finir avec
leurs problèmes. J'ai vu ces endroits
partout en Europe. Chacun s'y rendait pour mettre
fin à ses difficultés, pour se faire
aider dans des situations telles que des ruptures,
etc. Cependant, tous avaient le regard
tourné dans la mauvaise direction. C'est la
liberté, la libération qui met fin
à l'affliction et non pas cet assortiment de
thérapies. Voilà pourquoi je dis
qu'il est très rare de faire naître la
pensée de liberté. C'est très
rare. Ceux qui se rendent dans ces endroits sont en
fuite par rapport à leurs problèmes ;
ils ne leur font pas face directement. Ils
s'échappent en changeant de vêtements,
en faisant du yoga et de la méditation, et
ainsi de suite. Si vous leur demandez pourquoi ils
se rendent à ces centres, ils vous le diront
et, en général, ils vous expliqueront
que c'est parce qu'ils veulent se
débarrasser d'un problème ou d'un
autre. Ils ne diront pas : "Je suis ici pour
atteindre la libération." Il est
extrêmement rare de rencontrer une telle
personne très, très rare.
Question : Ces afflictions
émergent-elles à la suite d'une
mauvaise identification, à travers
l'association avec le "je" ?
Papaji : Oui, tout est question de
méprise d'identité. Vous pouvez dire
que l'affliction naît de la malchance ou
d'erreurs commises dans le passé, mais la
cause première est de s'associer au corps et
aux sens, puis de s'identifier à eux.
L'erreur première que chacun commet est de
rechercher le bonheur à travers des
transactions qui impliquent les sens. Une fois
cette erreur commise, vous vous retrouvez
catapulté d'une transaction à une
autre, d'une relation à une autre. Ceux qui
agissent de la sorte s'égarent et se
retrouvent souvent en grande difficulté.
Certains se sont adressés à moi avec
leurs malheurs. Ils me rapportent des histoires de
ruptures de relations, un homme est même venu
avec du cyanure dans la poche, en m'expliquant
qu'il le conservait pour se suicider. J'ai vu
beaucoup de cas semblables.
L'un de ces personnages était un homme que
j'ai connu en Suisse. Il avait entendu parler de
moi et avait demandé à se joindre
à mes sessions de méditation. Je lui
ai fait savoir qu'il était le bienvenu.
Après quelque temps, il commença
lentement à me dévoiler son histoire.
Il était professeur de mathématiques
à Paris et avait quitté sa
famille.
"Ma femme m'a quitté pour l'un de ses
élèves, en emmenant notre fils de six
mois. La souffrance que cela me cause est
insupportable. Je suis venu ici pour mettre fin
à mes jours, mais je n'ai pas encore
trouvé le courage de le faire. Si je reste
ici auprès de vous assez longtemps,
peut-être arriverais-je à trouver la
force de passer à l'acte."
Puis il énuméra tous les
préparatifs de son suicide. Il voulait
léguer à sa femme des biens et des
assurances-vie, après son
décès. Comme il se préparait
à mourir, il avait effectué toutes
les démarches administratives
nécessaires pour que les divers
administrateurs lèguent tout à sa
femme lorsqu'il ne serait plus de ce monde.
J'ai écouté son récit et je
lui ai dit : "Vous êtes fou. Venez en Inde
avec moi. Je passe d'abord par Paris et nous
pourrons ensuite voyager ensemble. Ne vous suicidez
pas. Venez avec moi et je vous montrerai une autre
façon d'être heureux, une façon
qui ne dépend pas des relations. Je vous
présenterai à une meilleure femme,
une comme vous n'en avez jamais connu auparavant,
une femme qui ne se conduira jamais de la sorte et
qui ne vous quittera jamais."
Il acquiesça à ma proposition, puis
déclara : "Je n'ai pas l'argent pour aller
en Inde. Cependant, j'ai toujours ma voiture, je
vais donc la mettre en vente."
Il fit passer une annonce dans le journal local et
le premier acheteur potentiel se présenta le
lendemain pour la voir.
"Faites un essai de conduite", dit le professeur.
"Essayez-la pendant une journée et voyez si
elle vous convient.
- Combien en voulez-vous ?
- Je vous la laisse à moitié
prix.
- Ce n'est pas un bon prix", déclara le
visiteur.
Le professeur de mathématiques ne comprit
pas bien : "Regardez le kilométrage, dit-il,
il est très bas. Je ne m'en suis servi que
pour aller de mon appartement à
l'université.
- Non, non. Je veux dire que vous ne me faites pas
payer assez. Cette voiture vaut bien plus que la
moitié de son prix de vente neuve. Elle n'a
quasiment pas servi. Pourquoi en demandez-vous si
peu ?
- Je voudrais aller en Inde avec mon nouveau
maître et c'est le seul bien en ma possession
qui puisse me procurer les moyens de l'accompagner.
J'ai besoin de cet argent pour le suivre."
Ce récit plut à l'acheteur : "C'est
une raison valable et j'apprécie ce que vous
vous préparez à faire. C'est
très beau de se rendre en Inde de cette
façon. Je vous donnerai la totalité
de la valeur de cette voiture car elle est comme
neuve. Ainsi, vous pourrez rejoindre votre
maître."
Il est venu avec moi et nous avons passé
environ un an ensemble en Inde. Quand j'ai vu qu'il
avait surmonté ses problèmes, je lui
dis : "Vous pouvez retourner en Europe aujourd'hui.
Vous êtes professeur de mathématiques.
Vous n'aurez pas de difficulté pour
retrouver du travail. Prenez une autre femme si
vous le désirez. Vous n'aurez plus de
problèmes maintenant."
Les gens se mettent dans des états de
souffrance extrêmes et ne savent pas comment
les gérer. J'ai vu de nombreux cas de ce
genre, pas seulement un ou deux. Ces personnes
avaient rejoint des ashram ou d'autres centres,
mais sans changement ni amélioration. Le
changement véritable ne se produira qu'une
fois que vous comprendrez vraiment que le bonheur
et l'amour ne proviennent pas de transactions avec
des choses extérieures.
Disons que vous tombez amoureux de quelqu'un et que
cette personne est à Londres. Vous devez
vous rendre à Londres puisque c'est
là que se trouve votre bien-aimée. Il
vous faut voyager pour y aller et, pour financer le
transport vous avez besoin d'argent. Mais
qu'adviendrait-il si votre bien-aimée
était très près de vous, si
elle était plus proche de vous que votre
propre respiration ? Si vous vous mettez à
courir, ou que vous entamiez quelque mouvement que
ce soit, vous vous en éloignerez au lieu de
vous en rapprocher. Dès que vous courez,
vous échappez à la présence de
votre bien-aimée au lieu de la rejoindre.
À chaque fois que vous recherchez autre
chose, quelque chose qui ne soit pas cette
bien-aimée située plus près de
vous que votre respiration, votre quête vous
en éloigne. Il en est toujours ainsi. Si
vous désirez la libération, vous
devez apprendre à ne plus courir. Il vous
faut découvrir comment rester, et
être, là où vous êtes.
Cette liberté n'est pas en vente sur les
étalages du marché aux
légumes, ni nulle part ailleurs.
Vous devez comprendre que la liberté est en
vous et qu'elle ne se trouve pas dans les objets
qui sont distincts de vous. Puis, une fois que vous
vous êtes assurés de son emplacement,
il vous faut décider : "Quand la voudrai-je
?" C'est une décision majeure, l'une de
celles que vous avez remises à plus tard
pendant des millions et des millions
d'années. Prenez la décision. Prenez
cette décision maintenant.
Question : Quelle est cette décision
?
Papaji : [s'adresse à un autre
Néo-Zélandais] Vous m'avez
écrit au sujet de cette prise de
décision et c'était très bien
écrit. Votre récit concernait
l'origine de cette décision et comment vous
l'aviez remise à plus tard. Vous vous
êtes finalement décidé : "C'est
mon propre Être." Ce fut une très
belle lettre, même si elle ne contenait que
quelques paroles. Je vous avais demandé
d'écrire quelques mots et c'est ce que vous
aviez trouvé à dire. De telles
paroles proviennent de la source même. Je
voulais que votre rédaction vienne de
là où les mots prennent leur source,
et c'est ce que vous avez exprimé. Tous les
mots, toutes les activités de l'intellect
sont issus de cette source.
L'Être,
la réalisation du Soi, l'illumination, la
vérité, la liberté tout
ce dont nous parlons , que sont-ils ?
Où sont-ils ? Passez un peu de temps sur ce
sujet et trouvez la réponse par
vous-même. Nous avons commencé notre
entretien avec l'idée de la distance :
où vous êtes maintenant et quelle
distance vous devez couvrir pour atteindre votre
but. C'est un travail de très courte
durée. C'est votre sutra. C'est à la
fois le début et la fin ; toute la voie est
contenue dedans. Il n'y a ni distance ni
emplacement et cela signifie qu'il n'y a pas de
chemin non plus. Lorsque vous savez et comprenez
ceci, tout est fini. Tout prendra fin. Aucune
distance n'aura été
couverte.
Vous
m'aviez dit : "Je ne peux pas le décrire",
mais, plus tard, je vous ai poussé à
le décrire. C'est une description, mais, en
même temps, ce n'est pas votre
description.
Question : J'étais très malade
quand je l'ai écrite.
Papaji : Ce n'est pas "votre" description.
"Vous" n'avez pas écrit de description. Vous
me l'avez dit vous-même : "Je ne peux le
décrire." Votre sutra était : "Du
commencement à la fin." C'était tout
ce dont vous aviez besoin. Ces cinq mots
contiennent et couvrent tout. Il est inutile
d'avoir recours aux livres pour en trouver la
solution. Il vous faut découvrir par
vous-même que le début et la fin sont
au même endroit.
[Le terme sutra est généralement
utilisé en référence aux
Écritures, mais dans ce contexte un sutra
désigne une grande vérité ou
une pratique spirituelle condensée en une
phrase brève.]
Question : [nouvel interlocuteur] La
souffrance est-elle nécessaire afin de
briser l'engouement pour l'illusion ? Avons-nous
besoin de souffrir avant de pouvoir aspirer
à transcender la douleur en retournant
à la source ?
Papaji : Qu'est-ce que la souffrance ? "Je
ne suis pas à la source" est souffrance.
C'est tout. "Je ne suis pas chez moi maintenant"
est affliction.
Imaginez que vous êtes confortablement et
profondément endormi dans un hôtel
cinq étoiles. Vous avez
dégusté un bon dîner et vous
êtes allé vous coucher. Les portes
sont fermées. Puis, pendant votre sommeil,
vous commencez à rêver. Dans ce
rêve, vous êtes parti à
l'étranger et des voleurs vous attaquent.
Ils vous entourent et, toujours dans ce rêve,
vous savez qu'ils vont vous tuer. C'est la
situation dans laquelle vous êtes.
Complètement déboussolé, vous
criez : "Au secours ! À moi ! À
l'aide !", parce que vous vous croyez vraiment en
danger de mort. Qui va vous aider dans une telle
situation ? Qui ?
Alors que vous êtes, en
réalité, dans un hôtel cinq
étoiles, entouré de beaucoup de
monde. Dans cette chambre se trouve un
téléphone qui pourrait, en l'espace
de quelques secondes, vous mettre en contact avec
le manager ou le personnel de
sécurité. Vous vous trouvez dans un
environnement complètement
sécurisé et pourtant vous souffrez
terriblement en raison de votre propre
création onirique et imaginée. Vous
n'êtes pas à la source. Vous vous en
êtes éloigné en vous
identifiant à un corps onirique, qui de
lui-même a suffi à vous causer toute
cette souffrance.
L'idée "Je suis le corps" vous fait quitter
votre source et, une fois ce lieu
délaissé, la souffrance, la
souffrance sans fin est inévitable. La
souffrance puise toujours sa source dans
l'idée "Je suis le corps". Qui a cette
idée ? Le corps ne dit pas : "Je suis le
corps." Posez-vous cette question et voyez ce qu'il
dit de lui-même. Commencez par le pied.
Celui-ci ne dit pas : "Je suis le corps." Il ne dit
même pas : "Je suis le pied." Il n'a
strictement rien à dire à ce sujet.
Vous êtes celui qui déclare : "Je suis
le corps."
Ce lien à l'idée d'être un
corps vient de l'imagination fallacieuse.
L'imagination a causé votre souffrance alors
que vous étiez dans votre corps du
rêve, en toute sécurité dans
votre hôtel, et l'imagination vous fait
souffrir quand vous décidez, par erreur, au
cours de l'état de veille, que vous
êtes un corps. À chaque fois que vous
imaginez quelque chose qui n'est pas réel,
vous devez en subir les conséquences. C'est
l'histoire du serpent et de la corde. Lorsque vous
vous figurez que la corde est un serpent, vous
souffrez de la peur, mais quand vous savez qu'en
vérité ce n'est qu'une corde, vous ne
souffrez pas. C'est vous qui choisissez et qui
décidez de croire en des objets
chimériques. Cela signifie que vous pouvez
également choisir de ne pas croire en eux.
Vous devez décider pour vous même de
croire ou non en la réalité d'objets
et de concepts qui sont imaginaires.
Je ne vous mets pas de pression en la
matière, mais je dirai qu'à un moment
ou à un autre, il vous faudra prendre cette
décision. Un jour, vous devrez le faire.
C'est un processus très doux. Je suis en
train de parler de votre propre source, de votre
maison à vous. Votre Seigneur est
très généreux, très
patient. Vous pouvez rentrer chez vous, au foyer de
votre Seigneur et au sein de votre propre Soi,
quand vous le voulez. Il n'y a aucune pression.
Vous serez le bienvenu dès l'instant
où vous choisirez de rentrer. Pour le
moment, vous pouvez vous distraire au-dehors, si
c'est ce que vous voulez. Mais quand vous prendrez
cette décision finale de rentrer chez vous,
vous serez très, très bien
accueilli.
Je lisais votre lettre où vous disiez : "De
nombreuses années de recherche ont pris fin,
des millions d'années." Je peux vous dire
comment expliquer ces millions d'années du
point de vue de la réalité. Je vous
ai fait part, quelques jours plus tôt, de la
vision de toutes mes vies passées, mais je
vais vous la relater à nouveau plus en
détail, car c'est lié à ce
dont je suis en train de vous parler.
J'étais un jour simplement assis sur les
rives du Gange, quand j'ai vu l'histoire
entière de ma manifestation ; comment je
suis allé, depuis le départ, de vie
en vie à travers différentes
espèces. Il y eut diverses vies marines, pas
seulement des poissons toutes sortes
d'animaux marins. Il y a eu des vies de roches, de
plantes, d'animaux, y compris celles de ces animaux
marins, puis il y eut beaucoup de vies humaines.
Des vies sur différentes planètes ont
même défilé, dans lesquelles
j'avais un autre type de corps et des
pensées d'un autre genre. Alors que tout
cela se déroulait, je savais que j'avais
été chacun de ces corps, mais je
savais aussi que j'étais ce corps assis
là au bord du Gange. Je voyais toutes ces
vies pendant que j'étais assis sur la rive
du Gange et, tout en les voyant, il me semblait
faire l'expérience de la totalité de
la durée de vie de chacune des
créatures. Je ne peux l'expliquer, mais, si
je le désire, je peux encore voir ce que je
voyais alors. J'ai pu, à d'autres occasions,
voir et connaître mes vies humaines plus
récentes.
À la fin de cette longue série
d'incarnations j'ai vu une image de mon
maître, Ramana Maharshi. Il se tenait devant
moi, et alors qu'il était là, debout,
la succession des naissances cessa. Maintenant, le
plus étrange concernant tout cela est que
tout en refaisant l'expérience de la
totalité de ces vies dans leur
entière durée des millions
d'années de vies le temps
écoulé sur le bord du Gange
n'était que d'une fraction de seconde.
Quand vous rentrez chez vous dans votre Soi, vous
comprenez immédiatement que tout le temps
qui semblait s'écouler pendant que vous
faisiez l'expérience de vos innombrables
incarnations n'était pas réel. Il
vous paraîtra comme un instant, et quand vous
reviendrez chez vous et que vous le saurez
directement, vous connaîtrez alors ce secret
et vous en rirez. Pendant l'expérience
ça ressemble à une longue
durée de temps, mais quand cela prend fin,
vous savez alors que ce n'était que de
l'imagination déployée, dont la
durée n'aura été que celle
d'un court instant.
Avant d'avoir fait cette expérience au bord
du Gange, je n'avais ni posé la question ni
parlé à personne de la compression
des incarnations en un seul instant. Je n'en ai pas
discuté avec quiconque après coup non
plus. Je n'avais jamais rien lu à ce sujet
dans aucun livre, alors je suis resté
silencieux concernant cette vision. Puis, quelques
années plus tard, quand j'étais
à Paris, j'ai lu un texte bouddhique qui
mentionnait que le Bouddha avait également
vécu cette expérience. D'ailleurs, le
livre m'avait été lu à haute
voix. Comme il était en français,
quelqu'un que je connaissais me le lisait tout en
le traduisant à mon intention. Le fait
d'entendre un récit semblable à mon
expérience me procura une sorte de
satisfaction.
Je peux donc affirmer, d'après ma propre
expérience directe, que tous les
phénomènes se déroulent en un
instant. C'est le secret qui est
révélé lorsque l'on sort du
temps. La même chose survient la nuit.
Pendant un rêve, on peut avoir l'impression
d'une longue durée de temps, mais quand on
se réveille, on se rend compte que seulement
quelques minutes ou secondes se sont
écoulées depuis l'endormissement.
Vous pouvez vivre toute une vie dans un rêve
et y souffrir une vie entière de martyr.
Quand vous revenez enfin chez vous au Soi, vous
saurez qui et ce que vous êtes vraiment, vous
connaîtrez la nature véritable de la
manifestation illusoire qui vous avait
captivée pendant si longtemps, et lorsque
vous la transcenderez, vous saurez ce qu'est la
vraie liberté. Une fois dans cette demeure
finale, vous vous apercevrez qu'elle est l'endroit
où vous avez toujours été.
Vous vous rendrez compte que vous avez souffert
inutilement pour avoir choisi de croire que vous
étiez autre chose et que vous
résidiez ailleurs. Vous verrez que vous
aviez toujours su cela, mais que vous aviez pris le
parti de l'ignorer. Vous l'ignorez maintenant,
parce que vous ne croyez pas en ce que je vous dis.
Vous croyez plutôt en votre imagination. Vous
ne croirez pas que c'est votre droit, que c'est
toujours là, et que c'est en permanence ce
que vous êtes. Personne n'accepte cela, alors
tout le monde continue à faire des efforts
pour atteindre le lieu où l'on demeure
déjà. Il existe diverses
méthodes, différents moyens, mais
toutes et tous renforcent et maintiennent
l'imagination selon laquelle vous croyez être
autre que ce que vous êtes
véritablement.
Question : L'état au sujet duquel
j'ai écrit semble être un état
de contentement silencieux. Je ne ressentais aucun
empressement à me rendre au-dehors, à
entrer en contact avec des gens ou quoi que ce
soit. C'est difficile à expliquer. Je
n'avais aucune envie de faire quoi que ce soit.
Papaji : C'est le moment, le temps est venu
pour vous de vous régaler.
Régalez-vous autant que vous le pouvez, et
ensuite faites ce que vous voulez.
Réjouissez-vous ! Amusez-vous !
Question : Se réjouir ou mourir ?
Papaji : Réjouissez-vous ! C'est la
réjouissance !
Question : D'abord vous m'avez dit que je
devais mourir et maintenant vous me dites de
profiter.
Papaji : Ces instructions en reviennent au
même ; aucune différence entre elles.
Il ne vous est pas nécessaire de
contrôler la pensée. Ressentez-vous le
besoin de contrôler votre activité
mentale ?
Question : Je ne sais plus comment m'y
prendre. Je ne sais tout simplement pas
comment.
Papaji : [en train de rire]
Très bien ! Les gens se perdent à
essayer de contrôler l'activité
mentale à l'aide du pranayama et de la
méditation. Voilà une vision tout
à fait juste, une vue correcte. Comme c'est
simple !
Je connaissais une étudiante à
Bombay. Elle venait me voir avec sa mère
quand j'étais en ville. Je pense qu'à
cette époque elle devait avoir dix-huit ou
dix-neuf ans.
Un jour, elle me dit : "Je n'utilise le mental que
si c'est nécessaire, sinon je le laisse
tranquille. Quand je n'ai pas besoin de
l'activité mentale, je ne me laisse prendre
dans aucune de ses pensées. Je vais au
collège, j'étudie, je mange et dors,
mais je n'ai besoin de l'esprit pour aucune de ces
activités. Cependant, il est là, au
cas où j'en aurais besoin pour un usage
quelconque."
Voilà l'attitude juste. La pensée
peut s'avérer être un outil utile,
mais ne la laissez ni diriger ni ruiner votre
vie.
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