Nisargadatta
: Tout ce qui arrive vous arrive. Quoi que vous
fassiez celui qui fait est en vous. Trouvez le
sujet de tout ce que vous êtes, en tant que
personne.
Question : Que puis-je être d'autre
?
Nisargadatta : Trouvez-le. Même si je
vous dis que vous êtes le Témoin, le
Spectateur silencieux, cela n'aura pour vous aucun
sens à moins que vous ne trouviez la voie de
votre Être propre.
Question : Voilà la question :
comment trouver le chemin de son Être ?
Nisargadatta : Renoncez à toutes les
questions sauf une : "Qui suis-je ?" Après
tout, le seul fait dont vous soyez sur c'est
d'être. Le "je suis" est une certitude, le
"je suis ceci" n'en est pas une. Luttez pour
trouver ce que vous êtes
réellement.
Question : Je n'ai rien fait d'autre pendant
ces dernières soixante années
Nisargadatta : Qu'y a-t-il de mal dans
l'effort ? Pourquoi chercher des résultats ?
C'est l'effort-même qui est votre nature
réelle.
Question : L'effort est pénible.
Nisargadatta : Vous le rendez pénible
en demandant des résultats. Faites des
efforts sans chercher, luttez sans
avidité.
Question : Pourquoi Dieu m'a-t-il fait ainsi
?
Nisargadatta : De quel Dieu parlez-vous ?
Qu'est-ce que Dieu ? N'est-il pas cette
lumière qui fait que vous posez cette
question ? "Je suis" est Dieu aussi. La recherche
aussi est Dieu. Par l'examen vous découvrez
que vous n'êtes ni le corps ni le mental,
mais l'amour du Soi, en vous, pour Lui-même
dans tout. Les deux ne sont qu'un. La conscience
qui est en vous et la conscience qui est en moi,
deux en apparence, une en réalité,
recherchent l'unité et ceci est l'amour.
Question : Comment puis-je trouver cet amour
?
Nisargadatta : Qu'aimez-vous actuellement ?
Le "je suis". Donnez-lui votre cur et votre
esprit, ne pensez à rien d'autre. Quand ceci
est sans effort et naturel, c'est le plus haut des
états. Dans cet état
l'amour-même est à la fois l'amant et
l'être aimé.
Question : Tout le monde veut vivre,
exister. N'est-ce pas l'amour de soi ?
Nisargadatta : Tout désir a sa source
dans le soi [jiva]. La question est de
choisir le désir juste.
Question : Ce qui est juste ou faux varie
avec les habitudes et les coutumes. Les normes
varient selon les sociétés.
Nisargadatta : Rejetez toutes les normes
traditionnelles. Laissez-les aux hypocrites. Seul
ce qui vous libère du désir, de la
peur et des idées fausses est bon. Tant que
le péché et la vertu vous
préoccuperont, vous ne connaîtrez pas
la paix.
Question : Je vous accorde que les notions
de péché et de vertu sont des normes
sociales. Mais il peut y avoir des
péchés et des vertus spirituels. Par
spirituel j'entends l'absolu. Existe-t-il de telles
choses que des vertus et des péchés
absolus ?
Nisargadatta : Vertus et
péchés ne se réfèrent
qu'à la personne. Sans une personne
vertueuse ou pécheresse, que sont la vertu
ou le péché ? Au plan de l'absolu il
n'y a pas de personnes ; l'océan de la Pure
Conscience n'est ni vertueux ni pécheur. La
vertu et le péché sont relatifs dans
tous les cas.
Question : Puis-je me débarrasser de
ces notions inutiles ?
Nisargadatta : Pas tant que vous
considérerez être une personne.
Question : À quel signe saurai-je que
je suis au-delà de la vertu et du
péché ?
Nisargadatta : En étant libre de tout
désir et de toute peur, libre de
l'idée même d'être une personne.
Nourrir l'idée de "je suis un
pécheur, je ne suis pas un pécheur"
est un péché. S'identifier au
particulier est le seul péché qu'il y
ait. L'impersonnel est réel, le personnel
apparaît et disparaît. "Je suis" est
l'Être impersonnel, "je suis ceci", c'est la
personne. La personne, est relative, l'Être
pur est fondamental.
Question : L 'Être pur n'est
certainement pas inconscient ni dépourvu de
discrimination. Comment peut-il transcender la
vertu et le péché ? S'il vous
plaît, dites-moi simplement, s'est-il
doué d'intelligence ou non ?
Nisargadatta : Toutes. ces questions ne
viennent que de ce que vous vous croyez une
personne. Allez au-delà du personnel et
voyez.
Question : Que voulez-vous dire exactement
quand vous me dites de cesser d'être une
personne ?
Nisargadatta : Je ne vous demande pas de
cesser d'être cela, vous ne le pouvez
pas. Je vous demande simplement d'arrêter
d'imaginer que vous êtes né, que vous
avez eu des parents, que vous êtes un corps,
que vous mourrez, etc... Essayez, faites un pas
ce n'est pas si difficile que vous le
croyez.
Question : Se penser comme le personnel,
c'est le péché de l'impersonnel.
Nisargadatta : Voilà encore le point
de vue du personnel ! Pourquoi persistez-vous
à polluer l'impersonnel de vos idées
de péché et de vertu ? Ça ne
s'y applique tout simplement pas. On ne peut pas
décrire l'impersonnel en termes de bon ou
de, mauvais. Il est l'Être, la Sagesse,
l'Amour, tous absolus. Où est la
portée du péché ici ? Et la
vertu n'est que l'opposé du
péché.
Question : Nous parlons de vertu divine.
Nisargadatta : La vraie vertu est la nature
divine [swarupa]. Ce que vous êtes
réellement est votre vertu. Mais
l'opposé du péché que vous
appelez vertu n'est qu'une soumission née de
la peur.
Question : Pourquoi donc tous s'efforcent
à être bons?
Nisargadatta : Cela vous maintient en
marche. Vous errez jusqu'à ce que vous
trouviez Dieu. Alors Dieu vous prend en Lui et vous
fait tel qu'il est.
Question : D'un côté, un acte
est considéré comme naturel, de
l'autre c'est un péché. Qu'est-ce qui
en fait un péché ?
Nisargadatta : Tout ce que vous faites de
contraire à une meilleure connaissance de
vous-même est un péché.
Question : La connaissance dépend de
la mémoire.
Nisargadatta : Vous souvenir de
Vous-même est vertueux, Vous oublier est un
péché. Tout se ramène au lien
mental ou psychologique entre le mental et la
matière. Nous pouvons appeler ce lien,
psyché [antahkarana]. Quand la
psyché est inexpérimentée,
non-développée, primitive, elle est
sujette à des illusions grossières.
En croissant en ampleur et en profondeur elle
devient un lien parfait entre la pure
matière et le pur Esprit et elle donne un
sens à la matière et une expression
au spirituel.
Il y a le monde matériel
[mahadakash] et le monde spirituel
[paramakash]. Entre les deux s'étend
le mental universel [chidakash] qui est
aussi le cur universel [premakash].
C'est l'amour sage qui les unit.
Question : Certaines personnes sont
stupides, d'autres intelligentes. La
différence se trouve dans leur psyché
La psyché mûre a derrière elle
plus d'expérience. De même qu'un
enfant grandit en mangeant et en buvant, la
psyché de l'homme est façonnée
par tout ce qu'il pense, sent et fait
jusqu'à ce qu'elle soit suffisamment
parfaite pour établir un pont entre l'Esprit
et le corps. Comme un pont permet la circulation
entre deux rives, la psyché rapproche la
Source de son expression.
Nisargadatta : Appelez cela l'amour. Le
pont, c'est l'amour.
Question : En définitive tout n'est
qu'expérience. Tout ce que nous pensons,
sentons, faisons est expérience.
Derrière, il y a l'expérimentateur.
Ainsi, tout ce que nous connaissons se
résume à ces deux termes :
l'expérimentateur et l'expérience.
Mais, en réalité, les deux ne sont
qu'un l'expérimentateur en tant que
tel est aussi l'expérience. Cependant
l'expérimentateur considère
l'expérience comme lui étant
extérieure. De la même façon
l'Esprit et le corps sont un; seule l'apparence les
fait paraître deux.
Nisargadatta : Pour l'Esprit il n'y a pas de
second.
Question : Mais alors, à qui le
second apparaît-il ? Il me semble que la
dualité est une illusion provoquée
par l'imperfection de la psyché. Quand
celle-ci est parfaite la dualité
disparaît.
Nisargadatta : Vous l'avez dit.
Question : Il me faut cependant
répéter cette simple question :
qu'est-ce qui crée la différence
entre le péché et la vertu ?
Nisargadatta : Celui qui un corps
pèche avec le corps, celui qui a un mental
pèche avec le mental.
Question : La simple possession d'un corps
et d'un mental n'oblige certainement pas à
pécher. Il doit y avoir à la racine
un troisième facteur. Je reviens encore et
encore sur cette question du péché et
de la vertu parce que de nos jours les jeunes
répètent, avec constance que le
péché n'existe pas, qu'il est nul
besoin d'être délicat et qu'on devrait
se livrer sans retenue aux désirs du moment
Ils ne reconnaissent ni tradition ni
autorité et seule peut les influencer une
pensée honnête et solide.
S'ils s'interdisent certaines actions c'est plus
par peur de la police que par conviction Il y a
indubitablement quelque chose dans ce qu'ils disent
puisque nous pouvons voir comment nos valeurs se
transforment de lieu en lieu et d'année en
année. Par exemple, tuer dans une guerre est
considéré de nos jours comme une
grande vertu et pourrait être regardé
comme un crime horrible le siècle
prochain.
Nisargadatta : Un homme qui bouge avec la
terre doit nécessairement
expérimenter les jours et les nuits. Celui
qui demeure avec le soleil ne connaît pas
l'obscurité. Mon monde n'est pas le
vôtre. Tel que je le vois, vous êtes
tous sur une scène en train de jouer la
comédie. Il n'y a aucune
réalité dans vos allées et
venues. Et, de plus, vos problèmes sont
tellement irréels.
Question : Peut-être sommes-nous des
somnambules, ou sujets à des cauchemars. N'y
a-t-il rien que vous puissiez faire ?
Nisargadatta : Je fais quelque chose. J'ai
pénétré votre état de
rêve pour vous dire : "Arrêtez de
blesser et vous-même et les autres, cessez de
souffrir, éveillez-vous."
Question : Pourquoi donc ne nous
éveillons-nous pas ?
Nisargadatta : Vous le ferez. Je ne
connaîtrai pas l'échec. Cela peut
prendre un certain temps, mais lorsque vous
commencerez à mettre vos rêves en
question, l'éveil ne sera pas loin.
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